vendredi 27 septembre 2013

Le blues du business man


Il est assis dans sa voiture, la tête sur son volant. Je me penche pour voir s’il va bien; il se redresse aussitôt. Il ne voulait pas que l’on voit ses larmes. Je m’éloigne pour ne pas qu’une inconnue assiste à cela.


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Georges a 58 ans. Il avait tout réussi dans la vie : deux beaux enfants, la norme, un excellent boulot de directeur commercial, une femme aimante et disponible, la norme.

Mais depuis trois ans, rien ne va plus. Son directeur l’avait convoqué un matin :

« Tu comprends, c’est les gros salaires qui doivent partir en premier, sinon, je vais avoir un problème avec les syndicats… ».

Mais comment une boîte peut-elle fonctionner sans directeur commercial?

« C’est facile, tu t’installes comme consultant, et je te facture des prestations de temps en temps. Et le petit Thomas, il fera l’affaire pour les petits trucs….Tu comprends ? »

S’il comprenait Georges, s’il comprenait ? C’est une mauvaise blague !

Mais il l’a fait, pas le choix si il voulait garder la maison. Surtout qu’il allait devenir grand-père. Cela aurait été plus que formidable si la copine de son fils n’avait pas dix sept ans et n’allait pas venir vivre chez eux…

Ils se sont débrouillés, ont vendu la maison de Normandie, leur petit luxe, achetée trois fois rien à l'époque. Ils ont même installé le jeune couple dans un appart juste à côté de chez eux. Ils les ont même mariés, parce que c’est mieux pour l’enfant, enfin, peut-être.

La première année en tant que consultant a été bonne, trop. Un très gros chiffre d’affaires et par conséquent un impôt hallucinant, sans doute mérité. Pourquoi ? Eh bien, parce que la première année, on ne paie pas de charges, tout passe en bénéfices, même quand on ne se reverse pas grand chose. On les paie l’année suivante ou même deux ans  après. C’est comme ça quand on est consultant en France. C’est pour aider les entreprises à ce qu’il paraît. Ben, là, il ne lui reste plus rien sur son compte. Il ne bosse plus et il n’arrive plus à payer les mensualités de l’URSSAF, du RSI sans parler de la CIPAV pour sa retraite. Il va en plus recevoir une régularisation en octobre. Oh ce mot, il le déteste…En tout cas, c’est sûr, il sombre. Il a arrêté son entreprise, il a coulé quoi. Son comptable lui a dit : « Ne vous inquiétez pas, ils vont vous rembourser le trop perçu et ça va rentrer dans l’ordre ». Trop perçu ? Parce qu’ils percevaient des choses en trop ? Mais pourquoi Georges qui a été commercial, même lui, n’y comprend plus rien.

En tout cas, il est là, depuis plusieurs heures devant le Pôle Emploi où il doit déposer son dossier.

« Oui, il faut le faire, pour la sécu...», lui avait dit sa femme qui essaie de retravailler en tant qu’assistante sociale, juste des remplacements pour le moment.

Mais il savait que ça ne changerait rien financièrement, car comme il a été son propre patron depuis quelques années, il n’a droit à rien. Aucun droit.

Georges est soulagé. Ca ne sera pas pour aujourd’hui, il est 16h30, le rideau de Pôle Emploi vient de se baisser.

Ne cherchez pas la référence d'un livre, ce texte est de moi, inspiré par le monsieur qui était garé hier à 16h30 en face de Pôle Emploi, les yeux rougis. Ce texte lui est dédié !
 

2 commentaires:

  1. Oh non dommage!!!
    J'avais envie de le lire... J'adore ta plume! J'allais dire en commentaire que j'avais eu un coup de coeur pour ce petit texte donc j'étais pressée de lire un roman entier de cet auteur!!!
    Bravo en tout cas.

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